L’inauguration se fit en 1922, dans la simplicité et, comme pour les autres communes du canton d’Eymoutiers, le Préfet ne fut pas invité, attestant de la défiance de la Montagne limousine vis-à-vis d’un Etat dans lequel elle ne se reconnaîssait pas.
La question s’est posée, dès la fin de la guerre de savoir comment en honorer les victimes. En 1920, une première tentative de créer un « Comité du monument aux morts » a échoué, pourtant on avait fait passer deux fois le tambour en ville ! En 1921, l’idée est relancée par les Vétérans Combattants de 1870 et leur Président Monsieur Mercy qui proposait la pose d’une plaque dans l’église. Le Foyer du Poilu (anciens combattants de la grande Guerre) est prêt à participer au projet mais rejette l’idée de l’implantation à l’église et souhaite un monument sur la place publique. Le Conseil Municipal dans sa séance du 04 Octobre 1921 refusera de voter la subvention demandée pour l’installation dans la collégiale et provoque une réunion le 18 septembre pour la création d’un Comité. Il y verra le jour, sera constitué de 12 membres dont le maire Jules Fraisseix (Président) et de deux conseillers municipaux. On y trouvera aussi Messieurs Mercy, de Queyriaux, Beaure, le docteur Deguillaume, Mesdames Salagnac et Remlinger. Lors de cette réunion une longue discussion s’est engagée. Un accord a été trouvé entre les différentes conceptions : l’épitaphe ne comportera aucun commentaire et se bornera à l’inscription suivante :
<« Aux enfants d’Eymoutiers tombés pendant la Guerre 1914-1918 »
Lors de la réunion du 23 octobre, Monsieur de Queyriaux offre 15 mètres cubes de granit taillé pour l’érection du monument mais remet en cause la décision prise sur l’épitaphe. Il lui est rappelé qu’il a participé à la discussion et l’a approuvée. Le principe d’une souscription est adopté et la commune prévoit une subvention de 2000 francs.La réunion suivante a lieu le trente et le Président donne lecture de la lettre reçue de M. de Queyriaux qui présente sa démission et retire son don en granit.
La controverse continuera par voie d’affiche et dans le Populaire du Centre. Monsieur de Queyriaux mettra en place un second comité en 1922 qui aboutira à la réalisation de la plaque à l’intérieur de l’église avec 225 noms. Malgré tout, à cette réunion sera discutée la question de l’emplacement du monument, des suggestions sont avancées : au cimetière, sur la place d’Armes, en face de la gendarmerie. Les votes sont partagés et aucune décision ne sera prise.
Les victoires électorales socialistes et communistes de l’après-guerre dans la Montagne limousine mettent en avant un mouvement pacifiste et antimilitariste rejetant les horreurs de la guerre récente. Ce phénomène sera observé lors de l’érection des monuments aux morts dans notre région, le plus symbolique restant celui de Gentioux. On refuse de glorifier un conflit meurtrier et une forme d’antipatriotisme se fait jour (on ne souhaite pas voir figurer les mots : gloire, honneur, patrie, héros dans les épitaphes). Dans beaucoup de ces communes, les monuments élevés seront sobres, sans décor ni ornement, avec des inscriptions minimalistes. Les morts sont des victimes de la guerre qui est directement désignée comme responsable de la mort des fils du pays. On ne veut rappeler que le deuil et la douleur de la disparition, bien loin des théories officielles et patriotiques.
Les démissions se succèdent au Comité et, lors de la séance du 18 novembre le Président prend acte de cette situation. Le Comité ne peut plus fonctionner et est dissous. Le Conseil Municipal reprend alors son autonomie et mènera le projet à bien. La souscription ayant produit 7000 francs, le 22 juin 1922, le Conseil vote une subvention de 9000 francs pour combler la différence entre la celle-ci et le marché de l’entrepreneur. Il décide aussi que le monument sera placé sur la place Jean Jaurès où il se trouve toujours. L’architecte en sera Monsieur Niel. Il proposera un édifice dépouillé, simple bloc de granit pyramidal, sans ornements. Les noms des soldats y seront inscrits sans mention de grade avec un classement particulier en fonction de l’âge au moment du décès. Il y a une volonté de mentionner des individus, des enfants du pays victimes du conflit et non des militaires.
L’inauguration se fera en fin 1922 dans la simplicité et, comme pour les autres communes du canton d’Eymoutiers, le Préfet ne sera pas invité attestant de la défiance de la Montagne limousine vis-à-vis d’un Etat dans lequel elle ne se reconnaît pas.
Lettre ouverte à Monsieur le Président du Comité d’Initiative du Monument aux Morts d’Eymoutiers pendant la guerre 1914-1918.
(cliquez sur la lettre pour en prendre connaissance)
Réponse des anciens Combattants par un article paru dans le Réveil du Centre
(cliquez sur la lettre pour en prendre connaissance)
Cet échange montre bien les positions radicalement opposées et inconciliables des uns et des autres.
Vous pouvez consulter les délibérations
en cliquant sur celles de votre choix.
Délibération du Conseil Municipal
du 4 septembre 1921
Délibération du Conseil Municipal
du 11 décembre 1921
Délibération du Conseil Municipal
du 25 juin 1922
Délibération du Conseil Municipal
du 25 juin 1922
Délibération du Conseil Municipal
du 6 août 1922
Délibération du Conseil Municipal
du 17 septembre 1922